Pratique profondément ancrée dans les mœurs religieuses à Maradi, Zagayé est un défilé à caractère social et surtout religieux. En effet, il s’agit d’une grande parade, une longue procession réunissant les écoles coraniques de la ville de Maradi et de ses environs, souvent même des invités venus de la sous-région Ouest africaine, du Nigeria principalement.
Il faut dire qu’à l’occasion du Zagayé, les écoles rivalisent d’ardeur, chacune désirant prouver qu’elle a plus d’audience que les autres. Ce sont les couleurs des tenues et des banderoles qui permettent de distinguer les écoles dans cette longue procession qui commence aux premières heures du matin, pour s’achever tard dans l’après-midi. Pour les maitres de ces écoles, il s’agit là d’un vrai test de popularité.
Pour les partisans de cette pratique séculaire, Zagaye est un acte de foi par lequel le croyant témoigne de son amour pour le Prophète Mohamed, paix et salut sur Lui. C’est aussi un prolongement du Mouloud qui est la fête commémorative de la naissance du Prophète de l’Islam.
Ainsi après les nuits passées dans l’adoration, la lecture coranique et les invocations, rendez-vous est pris pour une journée consacrée à marcher pour démontrer la force de la religion, comme historiquement les musulmans avaient eu à le faire en effectuant le tour de la Kabba pour, jadis, dissuader les idolâtres de la Mecque. En effet, des croyants qui marchent en grand nombre font la démonstration de leur puissance. Et comme au bon vieux temps, les croyants marchent aujourd’hui en scandant les noms de Dieu et du Prophète.
Pour Cheik Dan Marada, président du Comité régional d’organisation de cette parade, « la pratique tire sa légitimité d’un hadith du Prophète, instruisant la communauté des croyants à s’adonner à cette pratique qui n’a d’autre finalité que de se rapprocher de son seigneur ». Aussi pendant toute la journée, les croyants manifestent leur joie, celle de se rappeler de la Meilleure des créatures. Par-là, ils joignent l’utile à l’agréable, en cherchant le paradis.
Un itinéraire qui évolue au fil des ans
Au cours de ses premières années, le Zagayé se limitait au cercle entourant le Palais royal Dan Kassawa de Maradi. Mais plus les années passent, plus le nombre de participants augmente. Ce qui oblige les organisateurs à constamment revoir l’itinéraire, afin de prendre en compte l’affluence toujours grandissante.
Dans les premières heures du Zagayé, les marcheurs se comptaient par dizaines, voire par centaines. Aujourd’hui il s’agit plutôt de plusieurs dizaines de milliers, en majorité des jeunes qui arpentent les principales artères de la ville pour témoigner de leur attachement à l’Islam et à son Prophète. C’est pourquoi la procession nécessite un itinéraire toujours plus élargi. Ce qui n’est pas possible sans un travail d’encadrement pour éviter tout débordement.
Pertes d’enfants et risques sécuritaires
Réunir et encadrer des milliers d’enfants, surtout par ces temps qui courent, n’est pas chose aisée. Et malgré la témérité des encadreurs, il arrive que des enfants, curieux et déconcentrés, quittent leurs groupes et se perdent dans la procession. Certains d’entre eux n’appartiennent à aucune école et rejoignent la procession de leur propre chef, voire sur un simple coup de tête. C’est pourquoi, les radios de la place se retrouvent remplies d’enfants à la fin de cette parade annuelle de Zagayé.
Avec le développement du phénomène d’insécurité dans les pays du Sahel, l’organisation d’une telle manifestation constitue un vrai défi pour les organisateurs et une source d’inquiétude pour les autorités administratives et les responsables des Forces de Défense et de Sécurité (FDS).
C’est dire qu’avec les possibilités d’infiltration, voire d’attentat, le jour du Zagayé constitue un jour de risque. Heureusement, jusqu’à ce jour, aucune tragédie n’a été enregistrée au cours de cette parade annuelle.
A noter enfin que Zagayé en tant parachèvement du Mouloud est pratiqué par les musulmans d’obédience sunnite, en particulier ceux qui se réclament de la « Tidjania ». Les partisans de la Sunna (IZZALA) ne pratiquent ni le Mouloud ni le Zagayé qu’ils rangent dans le registre des innovations ou « BID’A ».
Garba Boureyma